| | La quatrième noble vérité | |
| | Auteur | Message |
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Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:05 | |
| La Quatrième Noble Vérité, à l’instar des trois premières, possède trois aspects. Le premier est le suivant : « Il y a le Noble Chemin Octuple – Atthangika magga – la voie qui mène hors de la souffrance. » On l’appelle également le Noble Chemin – Ariya magga. Dans le deuxième aspect, il est ajouté : « Cette voie doit être développée ». La réalisation finale, celle de l’Arahant, constitue ensuite le troisième aspect : « La voie a été pleinement développée ».
Le Chemin Octuple est présenté selon une séquence commençant avec la Compréhension Juste, autrement dit parfaite, suivie de l’Intention Juste ou encore Aspiration Juste, parfaite – Samma ditthi et Samma sankappa ; ces deux premiers éléments de la Voie sont regroupés sous le terme Sagesse – Pañña. L’Engagement à mener une existence morale – Sila – est une conséquence de Pañña et regroupe la Parole Juste, l’Action Juste et le Moyen d’Existence Juste – Samma vaca, Samma kammanta et Samma ajiva. On peut les appeler aussi Parole Parfaite, Action Parfaite et Façon Parfaite de gagner sa vie.
Ensuite, nous avons l’Effort Juste, l’Attention Juste, puis la Concentration Juste – Samma vayama, Samma sati et Samma samadhi – qui résultent naturellement de Sila. Ces trois derniers procurent l’équilibre émotionnel et concernent le cœur – en tant que centre de notre vie émotionnelle – qui peut être libéré de l’égoïsme. Par l’Effort Juste, la Compréhension Juste et la Concentration Juste, le cœur est pur, libéré de la cruauté, de l’ignorance et de la cupidité, de n’importe quelle manifestation de l’égoïsme. Lorsque le cœur est libre et purifié, l’esprit est serein. La Sagesse, Pañña – c’est-à-dire la Compréhension Juste et l’Aspiration Juste – est le fruit d’un cœur libre : ceci nous ramène au point de départ.
Les éléments du Chemin Octuple peuvent donc être regroupés, ainsi, en trois sections :
1 LA SAGESSE – Pañña
- La Compréhension Juste – Samma ditthi
- L’Aspiration Juste – Samma sankappa
2 LA MORALITE – Sila
- La Parole Juste – Samma vaca
- L’Action Juste – Samma kammanta
- Le Moyen d’Existence Juste – Samma ajiva
3 LA CONCENTRATION – Samadhi
- L’Effort Juste – Samma vayama
- L’Attention Juste – Samma sati
- La Concentration Juste – Samma samadhi
Le fait que nous les énumérions dans cet ordre ne signifie pas que ces facteurs apparaissent de façon linéaire, en séquence. En réalité, ils se manifestent ensemble.
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| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:05 | |
| Il est possible de parler du Chemin Octuple en disant que, premièrement, il y a la Compréhension Juste, puis l’Aspiration Juste et ainsi de suite… Mais, en réalité, présenté de cette manière, cela nous enseigne simplement à méditer sur l’importance qu’il y a d’être responsables de nos paroles et de nos actes au cours de nos vies.
LA COMPREHENSION JUSTE
Le premier facteur du Chemin Octuple est la Compréhension Juste qui est la conséquence d’avoir pénétré, d’avoir vu les trois premières Nobles Vérités. Si cette réalisation a eu lieu, alors on possède la Compréhension Parfaite du Dhamma – la vision claire que « Tout ce qui est de nature à apparaître est également de nature à disparaître ». C’est aussi simple que ça. Il n’est pas nécessaire de passer beaucoup de temps à lire et à relire « Tout ce qui est de nature à apparaître est de nature à disparaître » pour comprendre la phrase, mais cela demande pas mal de temps à la plupart d’entre nous pour réellement connaître la signification profonde de ces mots plutôt que leur simple sens conceptuel.
La vision, ou connaissance intérieure, appartient en fait au domaine de l’intuition, au-delà de celui des idées, des opinions. Il ne s’agit plus de « Je pense que je sais… », ou encore « OK, ça semble raisonnable, logique. Je suis d’accord avec ça. J’aime ces idées… ». Ce type de savoir est purement cérébral, intellectuel, alors que la connaissance intérieure est profonde. Il s’agit de quelque chose de vraiment perçu, de manière intuitive, au-delà du doute.
Cette connaissance profonde résulte des neuf réalisations précédentes. Il y a donc un enchaînement qui aboutit à la compréhension juste des choses telles qu’elles sont – c’est-à-dire que tout ce qui est de nature à apparaître est de nature à disparaître, de nature impersonnelle, dénuée de substance. Quand la Compréhension Juste est présente, vous avez lâché l’illusion de l’ego, d’une personnalité inaltérable et pourtant dépendante de conditions éphémères, mortelles – concept qui est en soi contradictoire. Le corps demeure, les sensations et les pensées subsistent, mais ils sont simplement ce qu’ils sont – la croyance que nous sommes notre corps ou nos opinions disparaît. Nous accordons de l’importance aux choses telles qu’elles sont. Nous n’essayons pas de dire que ces phénomènes n’ont aucune réalité ou qu’ils sont différents de ce qu’ils sont. Ils sont exactement ce qu’ils sont et rien de plus. Mais, quand la compréhension juste est absente, lorsque nous ne comprenons pas ces vérités, nous avons tendance à attribuer aux choses une substance, une personnalité qui n’existe que dans notre esprit. Nous croyons voir alors toutes sortes de choses et nous créons d’innombrables problèmes liés aux conditions dont nous faisons l’expérience.
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| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:07 | |
| L’angoisse et le désespoir qui nous affligent, nous les humains, viennent de ce qui est ajouté, créé, causé par la présence de l’ignorance au moment présent. C’est bien attristant de se rendre compte que la misère et l’angoisse de l’humanité trouvent leur source dans une illusion – une sorte d’hallucination collective. Le désespoir est vide et n’a pas de raison d’être. Quand vous voyez cela, vous commencez à ressentir une immense compassion pour tous les êtres vivants. Comment pouvons-nous haïr ou montrer de l’animosité envers quelque individu que ce soit, quand nous savons qu’il est prisonnier de l’ignorance ? C’est à cause d’un malentendu terrible que tous les êtres sont conditionnés à agir comme ils le font.
Lorsque nous méditons, nous pouvons faire l’expérience d’un niveau de paix, de tranquillité relatif au ralentissement de l’activité mentale. Si notre esprit est calme et que nous regardons une fleur, par exemple, nous la voyons telle qu’elle est. Quand il n’y a aucun attachement – rien à obtenir, rien à rejeter – si ce que nous voyons, entendons ou contactons par l’intermédiaire de nos sens est quelque chose de beau, de raffiné, dans ce cas, cette chose est vraiment belle. Nous ne sommes pas en train d’évaluer, de comparer, d’essayer de nous l’approprier, ni de la posséder ; ainsi, nous trouvons beaucoup de joie à apprécier simplement la beauté alentour, car nous n’éprouvons pas le besoin de l’utiliser à quelque fin que ce soit. Il n’y a rien à ajouter ni à supprimer.
Nous associons à la beauté une notion de pureté, de vérité et de sublimité. Il ne s’agit pas de la prendre pour un piège destiné à nous duper : « Ces fleurs sont ici pour me détourner du droit chemin ». C’est là une forme de puritanisme, la réaction d’un méditant aigri, intolérant. Si notre conscience est pure, nous pouvons apprécier la beauté d’une personne du sexe opposé sans désir de contact ni de possession. Quand la convoitise ou l’intérêt égoïste sont absents, nous pouvons nous réjouir de la beauté des autres, qu’ils soient hommes ou femmes. Il y a là honnêteté, appréciation des choses telles quelles sont. C’est la signification du mot libération – vimutti. Nous sommes libérés de ces liens qui déforment et corrompent la beauté environnante, celle du corps humain, par exemple. Nos consciences peuvent être tellement corrompues et négatives, déprimées et obsessionnelles en ce qui concerne certains phénomènes, que nous sommes incapables de les voir telles qu’ils sont. Si nous ne possédons pas la Compréhension Juste, nous voyons le monde à travers des filtres de plus en plus épais et trompeurs.
La Compréhension Juste doit être développée par la contemplation, en utilisant l'enseignement du Bouddha. Le Dhammacakkappavattana Sutta, particulièrement intéressant pour ce travail, constitue un moyen de référence utile à la réflexion. Nous pouvons également utiliser d’autres suttas du Tipitaka tels que ceux qui ont pour sujet la Loi sur l’Origine Dépendante – paticcasamuppada, un enseignement fascinant à étudier. Si vous contemplez votre expérience à travers ces enseignements, vous êtes en mesure de voir clairement la différence entre les phénomènes en tant que Dhamma et les illusions, les fabrications mentales que nous créons par habitude autour de ce qui est en réalité impersonnel. C’est pour cette raison que nous devons établir très consciemment une ferme attention aux choses telles qu’elles sont. Si la compréhension des Quatre Nobles Vérités est présente, alors le Dhamma est présent.
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| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:07 | |
| Avec la Compréhension Juste, toute manifestation est perçue en tant que
Dhamma. Par exemple, nous sommes assis ici… ceci est Dhamma. Nous
n’attribuons pas, ni à ce corps ni à cet esprit, une personnalité
pourvue de toutes ses opinions et idées, de toutes les pensées et
réactions conditionnées acquises par ignorance. Nous contemplons,
l’attention fermement établie dans le présent : « C’est ainsi. Ceci est
Dhamma ! » Nous gardons à l’esprit la compréhension que cette formation
physique est simplement Dhamma. Ce n’est pas là l’ego : c’est
impersonnel.
De la même façon, nous voyons la sensibilité de cette formation
physique en tant que Dhamma, au lieu de la considérer comme quelque
chose de personnel : « Je suis sensible !… Je ne suis pas sensible !…
Tu ignores ma sensibilité !… Qui est le plus sensible ?… Pourquoi
faisons-nous l’expérience de la douleur ?… Pour quelle raison Dieu
a-t-il créé la souffrance ?… Pourquoi n’a-t-il pas créé uniquement le
plaisir ?… Pourquoi y-a-t-il tant de tourments dans le monde ?… C’est
injuste, les gens meurent et nous devons être séparés de ceux que nous
aimons !… Ressentir l’angoisse est horrible… »
Il n’y a pas de Dhamma là-dedans, n’est-ce pas ? Tout est pris au
niveau personnel – « Pauvre de moi ! Je n’aime pas ceci… Je ne veux pas
de ça… Ce que je désire, c’est la sécurité, le bonheur, le plaisir et
tout ce qu’il y a de mieux… Ça n’est pas normal que ces choses ne me
soient pas données. C’est injuste que mes parents n’aient pas été des
individus complètement accomplis spirituellement… C’est anormal que
ceux qui nous dirigent – nos leaders politiques – ne soient pas des
modèles de sagesse et de vertu… Si tout était juste, on élirait des
Arahants comme Président de la République… »
Bien évidemment, j’exagère et j’essaye de faire apparaître le côté
absurde de ce sentiment de « Ça n’est pas normal, ça n’est pas juste »
poussé au point où l’on attend de Dieu qu’il crée tout pour nous et
nous offre un bonheur inaltérable. C’est ainsi que beaucoup de gens
pensent, même s’ils ne le disent pas tout haut. Mais, lorsque nous
réfléchissons correctement, nous voyons : « C’est de cette façon que
sont les choses. La douleur est comme ci et le plaisir comme ça. Ainsi
va l’expérience consciente ! » Nous acceptons pleinement, consciemment
notre expérience sensible, émotionnelle. Nous respirons. Cette attitude
nous permet d’aspirer à la libération.
Quand notre réflexion s’aligne sur le Dhamma, nous contemplons notre
propre humanité telle qu’elle est. Nous cessons de la considérer à un
niveau personnel ou de reporter la faute sur quelqu'un d'autre si les
choses ne sont pas exactement comme nous aimerions ou voudrions
qu’elles soient. Les choses sont ce qu’elles sont et nous sommes tels
que nous sommes. Vous pouvez vous demander pourquoi nous ne pouvons pas
être tous absolument identiques – avec la même tendance à la colère, la
même convoitise et la même ignorance – sans cette infinité de
variations et de permutations. Cependant, même si nous réalisons que
l’expérience humaine se limite à quelques phénomènes élémentaires
communs, chacun d’entre nous doit faire l'expérience de son propre
kamma, c’est-à-dire de toutes ses obsessions et habitudes
particulières, toujours différentes – en qualité et en intensité – de
celles d’une autre personne.
Pour quelle raison ne pouvons-nous pas être tous égaux, être tous dotés
des mêmes attributs, et nous ressembler en tout – spécimen unique et
androgyne ? Dans un tel monde, il n’existerait pas d’injustice, les
différences n’auraient pas cours, tout serait absolument parfait et
l’inégalité impossible. Mais, en reconnaissant le Dhamma, nous
réalisons que, dans un monde où tout n’est que condition dépendant
d’une infinité d’autres conditions, il n’existe pas deux choses
identiques. Elles sont toutes différentes, infiniment variables et
changeantes, et plus nous essayons de conformer tous ces phénomènes
conditionnés à nos idées, plus nous sommes frustrés. Nous tentons de
façonner l’autre et la société de façon à ce qu’ils correspondent à nos
idées sur la nature et le fonctionnement des choses, mais nous
finissons toujours par nous sentir spoliés. Si nous contemplons avec
sagesse, nous réalisons que c’est ainsi, que ceci est la façon dont les
choses doivent être, qu’il n’y a pas d’autre manière possible.
Mais il ne s’agit pas d’une attitude fataliste ou négative. Ça n’est
pas du tout dire : « C’est ainsi et il n’y a rien à faire à ce sujet !
» Il s’agit, bien au contraire, d’une réponse très positive qui
consiste à accepter le flot de la vie pour ce qu’il est. Même si cela
diffère de ce que nous voulons, nous pouvons l’accepter et consentir à
apprendre de l’expérience.
Nous sommes des êtres conscients, intelligents, capables de mémoriser
ce que la vie nous apprend. Nous communiquons grâce au langage. Au
cours de plusieurs millénaires, nous avons développé la raison, la
logique et notre faculté d’analyse. Ce qu’il nous reste à faire, c’est
comprendre de quelle façon utiliser ces capacités comme outil pour la
réalisation du Dhamma, plutôt que d’en faire des acquisitions ou des
problèmes personnels. Les gens qui ont développé leur faculté d’analyse
finissent souvent par l’exercer à leur encontre. Ils s’enlisent dans
l’autocritique et en arrivent même parfois à se détester. Cela se
produit car nos facultés à discriminer ont tendance à se focaliser sur
ce qui va mal. C’est de cette manière que fonctionne la discrimination
: distinguer comment ceci est différent de cela. Que se passe-t-il
quand vous le faites à propos de vous-mêmes ? C’est bien simple, vous
échafaudez une liste entière de fautes et d’imperfections qui vous
donnent le sentiment d’être un cas complètement désespéré.
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| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:08 | |
| Quand nous développons la Compréhension Juste, nous nous servons de
notre intelligence pour réfléchir et contempler. Nous utilisons
également notre capacité à être attentifs, à être réceptifs à la
réalité du moment. Quand nous contemplons ainsi, nous employons
simultanément notre sagesse et notre attention. Dans ce cas, nous
exploitons notre capacité à analyser, à distinguer avec sagesse –
vijja, au lieu d’agir sous l’influence de l’ignorance – avijja. Cet
enseignement des Quatre Nobles Vérités est à votre disposition pour
vous aider à utiliser, d’une manière sage, votre intelligence – votre
capacité à contempler, réfléchir et penser – plutôt que de sombrer dans
une spirale de convoitise, de cruauté ou d’autodestruction.
L’ASPIRATION JUSTE
Le deuxième facteur du Chemin Octuple est Samma sankappa, que l’on
traduit parfois par « Pensée Juste » – l’action de penser correctement.
Mais ce terme possède en fait une qualité plus dynamique qui peut être
rendu par « Intention », « Attitude » ou « Aspiration ». Je préfère
utiliser le mot « Aspiration » qui, d’une certaine manière, s’adapte
particulièrement à ce Chemin Octuple car, lorsque nous suivons une voie
spirituelle, nous aspirons à la réalisation d’un état situé au-delà de
notre condition humaine.
Il importe de reconnaître que l’aspiration diffère fondamentalement du
désir. Le terme pâli tanha désigne le « désir conditionné par
l’ignorance », alors que sankappa signifie « aspiration non
conditionnée par l’ignorance ». L’aspiration à quelque chose peut nous
apparaître comme étant une sorte de désir car, en français, nous avons
tendance à utiliser le mot « désir » pour toute forme d'intention – que
ce soit aspirer à quelque chose ou vouloir. On peut croire que cette
aspiration représente une forme de tanha qui serait le désir de devenir
illuminé – mais Samma sankappa a pour source la Compréhension Juste,
distinguant clairement. Il ne s’agit pas de vouloir devenir quoi que ce
soit, ce n’est absolument pas le désir de devenir une personne
illuminée. Avec la compréhension juste, cette façon de penser n’a plus
de sens.
L’aspiration est un sentiment, une intention, une attitude, un
mouvement à l’intérieur de nous-mêmes. Notre esprit s’élève, il ne
sombre pas : il s’agit, en quelque sorte, de l’inverse du désespoir.
Quand la Compréhension Juste est présente, nous aspirons à la vérité, à
la pureté et à la compassion. La Compréhension Juste et l’Aspiration
Juste – Samma ditthi et Samma sankappa – sont regroupées sous le terme
Pañña – la sagesse – et constituent la première de trois sections du
Chemin Octuple.
Nous pouvons observer les raisons pour lesquelles nous sommes
insatisfaits, même lorsque nous ne manquons de rien. Nous ne sommes pas
vraiment heureux, bien que nous ayons une belle maison, une voiture, un
mariage idéal, des enfants intelligents et charmants ou encore bien
d’autres choses… et nous ne le sommes sûrement pas lorsque nous ne les
possédons pas !… Si nous en sommes dépourvus, nous pouvons penser : «
Si seulement j’avais tout ça, alors je serais heureux ! » Mais nous ne
le serions pas. La Terre n’est pas un endroit où l’on peut trouver le
bonheur parfait ; croire que ça puisse être le cas est une illusion.
Quand nous réalisons cela, nous n’attendons plus de la planète Terre
qu’elle nous offre entière satisfaction, nous abandonnons cette
exigence.
Jusqu’au moment où nous réalisons que ce monde, cette planète ne sont
pas aptes à satisfaire tous nos désirs, nous continuons à lui demander
: « Pourquoi ne contentes-tu pas toutes mes exigences ? ». Nous sommes
comme de jeunes enfants qui tètent leur mère essayant constamment
d’obtenir d’elle le maximum, exigeant qu’elle ne cesse jamais de les
nourrir, de les soigner et de les rendre heureux.
Si nous étions comblés, nous ne nous poserions pas tant de questions.
Cependant, nous avons, pour la plupart d’entre nous, le sentiment qu’il
y a quelque chose d’autre que la terre sous nos pieds ; il y a quelque
chose, au-delà de nous, que nous ne pouvons pas véritablement
comprendre. Nous avons la capacité de nous interroger et de méditer sur
l’existence, de contempler ce qu’elle signifie. Si vous souhaitez
connaître le sens de votre vie, vous ne pouvez pas vous satisfaire de
la richesse, de l’aisance et de la sécurité matérielles seules.
C’est pourquoi nous aspirons à connaître la vérité. On peut se dire
qu’il s’agit là d’une sorte de désir ou d’ambition présomptueuse : «
Qui donc est-ce que je crois être, à essayer de connaître la
signification de la vie et de l’univers ? » Mais, pourtant, cette
aspiration est là. Pourquoi la ressentirions-nous si l’entreprise était
totalement impossible ? Examinez la notion de réalité suprême. L’idée
d’une vérité absolue ou ultime est un concept grandement raffiné ;
l’idée de Dieu, d’éternité ou d’immortalité est en fait une pensée très
subtile. Nous aspirons à la connaissance de cette réalité suprême. Ça
n’est pas notre animalité, nos instincts primaires qui nous portent
dans cette direction – ceux-ci n’ont que faire de telles aspirations.
Mais il existe, en chacun d’entre nous, un potentiel d’intelligence
intuitive qui détermine cette volonté de réaliser la vérité. Cette
intuition se trouve toujours présente en nous, mais nous sommes enclin
à ne pas y prêter attention ; nous ne la comprenons pas. Nous avons
tendance à l’écarter ou à nous en méfier – en particulier les
matérialistes modernes qui la considèrent comme un fantasme sans
réalité.
Pour ma part, réaliser que je n’appartenais pas vraiment à cette
planète fut une grande source de réconfort et de joie. Je l’avais
toujours soupçonné. Je me souviens même avoir pensé, alors que je
n’étais qu’un enfant : « Je ne suis pas vraiment d’ici. » Je n’ai
jamais eu le sentiment de vraiment appartenir à ce monde – même avant
de devenir moine, je n’avais jamais eu le sentiment d’avoir ma place
dans la société. Bien des gens prendraient simplement cela pour une
quelconque névrose, mais peut-être s’agit-il de ce genre d’intuition
qu’ont parfois les enfants. Quand vous êtes innocent et pur, votre
esprit peut se montrer parfois très intuitif. L’esprit d’un enfant est
relié à certaines forces mystérieuses de manière plus intuitive que
celui de la plupart des adultes. Quand nous devenons adultes, nous
sommes conditionnés à voir le monde selon des règles biens établies et
nous finissons par avoir des idées très arrêtées sur ce qui est vrai ou
ce qui ne l’est pas. Le sentiment d’être ce que nous sommes se
développe et se solidifie sous l’influence de la société qui régit le
réel et l’irréel, le bien et le mal. En conséquence, nous interprétons
le monde par le biais de ces perceptions fixes. Une des choses que nous
trouvons charmante, fascinante chez les enfants est qu’il ne se
comportent pas encore ainsi. Ils sont toujours capables de percevoir le
monde de manière intuitive.
La méditation est un moyen de déconditionner l’esprit, une méthode qui
nous permet de lâcher nos opinions bien établies et nos idées fixes.
D’ordinaire, nous ignorons ce qui est réel tandis que ce qui ne l’est
pas reçoit toute notre attention. C’est une attitude conditionnée par
l’ignorance – avijja.
La contemplation de notre aspiration humaine nous met en relation avec
quelque chose de plus élevé que ce monde animal et que cette planète
terre seuls. Cette connexion me semble plus convaincante que l’idée
qu’il n’y a rien de plus que ça, que tout est fini une fois que nous
sommes morts et enterrés. Quand nous réfléchissons et nous interrogeons
sur la nature de cet univers dans lequel nous vivons, nous nous rendons
compte qu’il est immensément vaste, mystérieux et incompréhensible.
Toutefois, si nous nous en remettons à notre intuition, nous sommes
capables d’être réceptifs à des choses que nous avions peut-être
oubliées ou que nous n’avions jamais perçues auparavant ; notre esprit
s’ouvre quand nous lâchons ces réactions fixes et conditionnées.
Nous pouvons avoir l’idée bien établie d’être une certaine
personnalité, d’être un homme ou une femme, d’être français ou anglais.
Ces choses peuvent nous paraître très réelles et nous sommes capables
de nous passionner à leur sujet. Nous pouvons même parfois nous
entre-tuer pour défendre des vues qui nous ont été inculquées,
auxquelles nous sommes attachés et que nous ne remettons jamais en
question. Sans Aspiration Juste et sans Compréhension Juste, sans
Sagesse, nous ne sommes jamais en mesure d’avoir une juste perspective
sur ces idées et opinions.
PAROLE JUSTE, MOYEN D’EXISTENCE JUSTE
Sila, l’aspect moral du Chemin Octuple, se compose de trois facteurs :
la Parole Juste, l’Action Juste et le Moyen d’Existence Juste – ce qui
signifie que nous sommes responsables de nos paroles et de nos actes.
Quand je suis pleinement conscient et attentif, je m’exprime de la
manière qui convient, ici et maintenant ; de la même façon, j’agis ou
travaille suivant ce qui convient, ici et maintenant.
Nous nous rendons ainsi de plus en plus clairement compte que nous
devons être attentifs à nos paroles ou à nos actes, sinon nous nous
faisons continuellement du mal. Si vous faites ou dites quelque chose
de blessant ou cruel, il y a toujours un résultat immédiat. Par le
passé, il se peut que vous ayez réussi à vous distraire après avoir
menti en vous occupant l'esprit avec quelque chose d'autre pour ne plus
y penser. Vous pouviez oublier complètement pour un moment, jusqu’à ce
que, tôt ou tard, un sentiment de culpabilité ou d’embarras ne revienne
à votre conscience. Mais, lorsque nous pratiquons sila, les
conséquences semblent être vécues immédiatement. Quand il m’arrive
d’exagérer, par exemple, quelque chose en moi me dit : « Tu ne devrais
pas abuser, soit plus modéré dans tes propos ! » J’avais pour habitude
d’amplifier, d’embellir les choses, cela fait partie de ma culture :
cela semble parfaitement normal, aux Etats-Unis. Mais lorsque vous êtes
réellement attentif, l’effet du plus petit mensonge ou du moindre
commérage se manifeste immédiatement, parce que vous êtes complètement
ouvert, vulnérable et sensible. Par conséquent, vous êtes circonspect
dans vos actes, vous réalisez l’importance d’être responsable de vos
actes physiques et verbaux.
L’impulsion d’aider quelqu’un est un dhamma habile, une réaction saine.
Si vous voyez quelqu’un s’évanouir et tomber par terre, il vous vient
immédiatement à l’esprit d’aider cette personne et vous agissez en
conséquence. Si vous le faites sans arrière pensée, sans aucun désir de
récompense, mais simplement par compassion et parce qu’il est juste
d’agir ainsi, alors il s’agit là d’un dhamma habile. Ça n’est pas du
kamma personnel, ça n’est pas là votre action. Mais, si vous agissez
par désir de gagner ses faveurs ou d’impressionner d’autres personnes,
alors – même si l’action est celle qu’il convient de faire – vous êtes
impliqué au niveau personnel et cela renforce le sentiment de « Je suis
». Quand nous faisons le bien sur une base de pleine attention et de
sagesse plutôt que sur celle de l’ignorance, nos actions sont des
dhammas habiles dépourvus de kamma personnel.
L’ordre monastique fut établi par le Bouddha pour que des hommes et des
femmes aient le moyen de mener, au niveau moral, une vie impeccable,
complètement irréprochable. Le mode d’existence d’un Bhikkhu est régi
par un système complet de préceptes, le Patimokkha. Lorsque vous
respectez une telle discipline, même si vous n’êtes pas très attentif à
ce que vous faites ou dites, vos actions ne laissent pas de traces
profondes. Il vous est interdit d’avoir de l’argent, par conséquent,
vous ne pouvez pas aller où vous le souhaitez, à moins d’être invité.
Vous respectez le vœu de chasteté. Comme votre repas quotidien est
offert, vous ne tuez pas d’animaux. Vous ne pouvez même pas cueillir
des fleurs ou des feuilles, ni faire quoi que ce soit qui troublerait
le cours naturel des choses ; vous êtes complètement inoffensif. En
Thaïlande, nous devions même filtrer l’eau que nous utilisions pour
nous assurer qu’aucune créature vivante ne s’y trouvaient – des larves
de moustique par exemple. Prendre la vie d’un être vivant, aussi
insignifiant soit-il, est totalement interdit.
Cela fait maintenant vingt-cinq ans que je vis selon cette Discipline,
période pendant laquelle je n’ai pas commis d’action karmique sérieuse.
Quand on vit dans le respect d’un tel système de règles de conduite, on
vit de façon très inoffensive, très responsable. La parole constitue
sans doute la partie la plus délicate ; les habitudes verbales sont les
plus difficiles à briser et à abandonner, mais elles peuvent aussi
s’améliorer. Par la réflexion et la contemplation, on commence à voir
le caractère malsain de proférer des idioties ou de commérer, de
bavarder sans bonne raison.
Pour vous, laïcs, gagner votre vie de façon juste représente un facteur
qui est développé par la connaissance des intentions motivant vos
actes. Vous pouvez vous appliquer à ne pas nuire délibérément aux
autres et à choisir une activité professionnelle sans conséquence
négative pour qui que ce soit. Vous pouvez, par exemple, essayer
d’éviter la pratique d’activités encourageant la consommation de
drogues ou d’alcool, ou d’autres constituant un danger pour l’équilibre
écologique de la planète.
Donc, ces trois facteurs – Parole Juste, Action Juste et Moyen
d’Existence Juste – résultent de la Compréhension Juste ou encore
connaissance parfaite. Nous ressentons l’envie de vivre d’une façon qui
soit une bénédiction pour cette planète ou, du moins, qui soit
inoffensive.
La Compréhension Juste et l’Aspiration Juste ont une influence
incontestable sur ce que nous faisons ou disons. Ainsi, pañña, la
sagesse, mène à sila : Parole Juste, Action Juste et Moyen d’Existence
Juste. Sila se réfère à nos paroles et à nos actes ; grâce à sila, nous
contenons nos pulsions sexuelles ou agressives – nous n’utilisons pas
notre corps pour tuer ou voler. De cette façon, pañña et sila
travaillent ensemble en harmonie parfaite.
EFFORT JUSTE, ATTENTION JUSTE, CONCENTRATION JUSTE
L’Effort Juste, l’Attention Juste et la Concentration Juste font
référence au cœur de notre être en tant que centre de l'activité
émotionnelle. Quand nous pensons au cœur, nous le situons au centre de
la poitrine. Nous avons donc pañña – la tête, sila – le corps, et
samadhi – le cœur. Vous pouvez utiliser votre corps comme une sorte de
diagramme, un symbole visuel du Chemin Octuple. Pañña, sila et samadhi
sont tous trois partie intégrante d’un tout, travaillant ensemble à la
réalisation et se supportant mutuellement comme un tripode. Aucun ne
domine les autres pas plus qu’il n’exploite ou ne rejette quoi que ce
soit.
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| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:09 | |
| Ils travaillent ensemble : la Sagesse, résultant de la Compréhension
Juste et de l’Intention Juste, puis la Moralité, formée de la Parole
Juste, de l’Action Juste et du Moyen d’Existence Juste, et enfin la
Concentration procédant de l’Effort Juste, de l’Attention Juste et la
Concentration Juste – c’est-à-dire un esprit équilibré, paisible et
serein sur le plan émotionnel. La sérénité décrit un état où les
émotions sont égalisées, harmonisées. Elles ne sont pas instables. Il
règne un sens de joie intense, de tranquillité ; l’intellect, les
instincts et les émotions sont en parfaite harmonie. Ils s’entraident,
se soutiennent mutuellement. Ils ne rivalisent plus les uns avec les
autres et ne nous portent plus vers les extrêmes ; pour cette raison,
nous commençons à ressentir une paix très profonde. Ce sentiment de
bien-être, d’absence de peur et d’anxiété est le fruit de la pratique
du Chemin Octuple, un sentiment d’équilibre et de stabilité
émotionnelle. L’anxiété, le stress et les conflits émotionnels laissent
place à un sentiment de bien-être intense. Il y a clarté ; il y a paix,
calme, connaissance. Cette réalisation du Chemin 0ctuple doit être
développée ; ceci est bhavana. Nous utilisons le terme de bhavana qui
signifie « développement ».
ASPECTS DE LA MEDITATION
Cet équilibre émotionnel est développé par la pratique de la
concentration et de la pleine attention, les deux aspects
indissociables de la méditation bouddhiste. Par exemple, au cours d’une
retraite, vous pouvez faire l’expérience de passer une heure à
pratiquer la méditation de type samatha, dans laquelle vous concentrez
simplement votre attention sur un objet – comme, par exemple, la
sensation de la respiration. Ramenez constamment cette sensation à la
conscience et maintenez-la de façon à ce qu’elle aie une continuité de
présence dans votre esprit.
De cette manière, vous vous tournez vers ce qui se passe réellement
dans votre propre corps, au lieu d’être attiré vers l’extérieur par des
objets contactés par vos sens. Si vous n’avez aucun refuge intérieur,
vous vous aventurez constamment à l’extérieur pour vous absorber dans
des livres, de la nourriture et toutes sortes de distractions. Mais ce
mouvement incessant de l’esprit est épuisant. Au contraire, la pratique
consiste à observer la respiration, ce qui signifie que vous devez
rester centré et ne pas suivre les tendances à chercher quelque chose
en dehors de vous-même. Vous devez établir fermement votre attention
sur la respiration de votre propre corps et concentrer votre esprit sur
cette expérience. Quand la concentration est vraiment établie, vous
devenez littéralement cette sensation, cette impression même. Quel que
soit l’objet dans lequel vous vous absorbez, vous devenez cela pour un
certain temps. Quand vous êtes vraiment concentré, vous êtes devenu
cette condition très paisible. Vous êtes devenu tranquille. C’est ce
que nous appelons le processus de devenir. La méditation de type
samatha est un processus de devenir.
Mais cette tranquillité, si vous l’analysez, n’est pas vraiment
satisfaisante. Elle est imparfaite parce qu’elle dépend d’une
technique, du fait d’être attaché et absorbé dans quelque chose qui a
un début et une fin. Si vous devenez quelque chose, ce ne peut être que
temporairement, car le devenir est une chose changeante. Ça n’est pas
une condition permanente. De façon logique, si vous êtes devenu quelque
chose, le processus s’inversera : vous arrêterez d’être cela. Ça n’est
pas une réalité ultime. Peu importe le niveau de concentration que vous
pouvez atteindre, il sera toujours un phénomène conditionné et
insatisfaisant. La méditation de type samatha peut vous mener à des
états de tranquillité et de bien-être très profonds, mais ces
expériences prennent toutes fin, aussi plaisantes soient elles.
| |
| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:09 | |
| Maintenant, si vous utilisez cet état de calme pour pratiquer la
méditation vipassana – qui consiste simplement à demeurer attentif et
laisser les choses suivre leur cours naturel, en acceptant le caractère
fondamentalement imprévisible de cette expérience – le résultat est la
conscience d’un état de paix intérieure. Cette paix est d’une autre
qualité que la tranquillité résultant de samatha, parce qu’elle est
parfaite, complète. La quiétude issue de la méditation samatha possède,
quant à elle, quelque chose d’imparfait ou d’insatisfaisant, même dans
des états méditatifs très raffinés et sereins. La réalisation de la
cessation, lorsque vous cultivez cette expérience et que vous la
comprenez de mieux en mieux, vous confère la véritable paix, l’absence
d’attachement, Nibbana.
Samatha et Vipassana sont donc les deux aspects de la méditation. Le
premier développe des états de concentration de l’esprit sur des objets
raffinés, la conscience devenant ainsi elle-même raffinée. Mais être
extrêmement raffiné, avoir un intellect brillant ainsi qu’une
prédilection pour ce qu’il y a de plus beau contribue à rendre
insupportable toute chose un peu grossière, à cause de l’attachement à
ce qui est délicat. Les gens qui ont dédié leur existence à la
poursuite du raffinement sont certains de trouver la vie très
frustrante et angoissante quand ils ne peuvent plus maintenir de tels
critères.
RATIONALITE ET EMOTION
Lorsque l’on est attaché à la pensée rationnelle, aux idées et aux
concepts, on tend alors à mépriser les émotions. Vous pouvez prendre
conscience de ce penchant si, lorsque vous commencez à sentir quelque
émotion, vous réagissez en vous disant « Je n’en veux pas. Je ne vais
pas l’accepter ! » Vous n’aimez pas vous sentir ému car vous avez
tendance à préférer vous réfugier dans le domaine ordonné et rassurant
de l’intelligence et de la raison. L’esprit trouve une grande
satisfaction dans son habileté à être logique et raisonnable, dans sa
capacité à rendre les choses contrôlables par la raison. Tout semble si
clair et si net, précis comme une formule mathématique, alors que les
émotions, elles, sont plutôt chaotiques, n’est-ce pas? Elles ne sont
pas raisonnables, elles ne sont pas ordonnées et sont difficilement
contrôlables.
Par conséquent, beaucoup d’entre nous ont tendance à ressentir du
mépris, de l’aversion pour leurs émotions. Elles nous font peur.
Beaucoup d’hommes, en particulier, sont très intimidés et effrayés par
leurs émotions car on leur a inculqué l’idée, par exemple, qu’un homme
ne pleure pas. Quand j’étais enfant, comme à la plupart des garçons de
ma génération, on m’a fait comprendre que les garçons ne versent pas de
larmes. Par conséquent, j’essayais de vivre selon ces conventions que
les garçons devaient respecter. On me disait : « Tu es un garçon » et
j’essayais de me conformer à ce que mes parents me demandaient d’être.
Les idées prévalant dans notre société influencent notre esprit ; c’est
la raison pour laquelle nous trouvons certaines émotions très
embarrassantes. Ici, en Angleterre, les gens les considèrent
généralement comme très gênantes. Si vous vous montrez un peu trop ému,
ils ont tendance à penser que vous êtes italien ou de quelque autre
nationalité.
Si vous êtes très rationnel et que vous avez tout compris
intellectuellement, le résultat est que vous ne savez que faire quand
les gens expriment leurs émotions. Si quelqu’un se met à pleurer, vous
vous demandez ce que vous devez faire. Peut-être lui direz-vous : «
Allons, ressaisis-toi, tout est OK, mon vieux. Tout ira bien, il n’y a
pas de raison de pleurer ! » Si vous êtes très attaché à la raison,
vous aurez probablement tendance à utiliser la logique pour écarter ces
démonstrations de sensibilité ; mais les émotions ne répondent pas à la
logique. Souvent, elles réagissent lorsqu'elles sont confrontées à la
raison, mais elles ne lui obéissent pas. Les émotions sont, par nature,
des choses sensibles et la façon dont elles fonctionnent nous échappe
parfois complètement. Si nous n’avons pas étudié ou essayé de
comprendre cet aspect de notre existence, si nous ne nous sommes pas
vraiment épanouis et si nous n’avons pas accepté notre sensibilité,
alors les émotions nous semblent très effrayantes et dérangeantes. Nous
ne savons pas de quoi il retourne car nous avons rejeté cet aspect de
notre être.
A l’occasion de mon trentième anniversaire, je me suis rendu compte que
je manquais totalement de maturité sur le plan émotionnel. Ce fut une
date importante dans ma vie. Je réalisai que j’étais un homme
pleinement arrivé à l’état d’adulte, mûr dans le sens où je ne pouvais
plus me considérer comme un gamin, mais que, dans certaines situations,
je réagissais comme si je n’avais guère plus de six ans. Je n’avais pas
tellement grandi, effectivement mûri à ce niveau. Même si j’étais
capable de sauver les apparences et de me conduire en homme mûr en
société, il m’arrivait souvent de ne pas avoir du tout le sentiment de
l’être. J’avais de fortes tendances émotionnelles et certaines phobies
n’étaient pas résolues. Cela devenait évident que je devais faire
quelque chose à ce sujet car l’idée de vivre le reste de ma vie dans un
tel état de sous-développement émotionnel était une perspective plutôt
déprimante.
C’est pourtant à ce stade que beaucoup de gens restent bloqués. Par
exemple, la société américaine ne nous permet pas de nous développer
sur ce plan, de devenir adulte à ce niveau. Elle ne reconnaît pas du
tout ce besoin et, par conséquent, n’offre pas aux hommes de rites de
transition. C’est une civilisation qui ne prévoit pas ce type
d’introduction au monde des adultes ; en fait, on s’attend à ce que
vous soyez immature toute votre vie. Vous devez agir en personne
adulte, mais être vraiment adulte n’est pas ce qu’on vous demande. Le
résultat est que très peu de gens le sont. Les difficultés
émotionnelles ne sont pas comprises ou résolues, les tendances
infantiles sont simplement réprimées plutôt qu’amenées à maturité.
La méditation nous offre cette possibilité de mûrir sur le plan
émotionnel. Un niveau de maturité idéal serait Samma vayama, Samma sati
et Samma samadhi, c’est-à-dire l’Effort Juste, l’Attention juste et la
Concentration Juste. Ceci doit être contemplé, ça n’est pas quelque
chose que l’on trouve dans les livres. La maturité émotionnelle
parfaite comprend l’Effort Juste, l’Attention Juste et la Concentration
Juste. Elle est présente lorsque nous ne sommes pas empêtrés dans
toutes sortes de fluctuations et de vicissitudes, lorsque nous sommes
équilibrés et clairs, capables d’être réceptifs et sensibles.
LES CHOSES TELLES QU’ELLES SONT
Avec l’Effort Juste, il peut se manifester une sorte d’acceptation
détendue de la situation, au lieu de la panique engendrée par la pensée
qu’il nous incombe de mettre tout le monde sur le droit chemin, de tout
arranger et de résoudre tous les problèmes. Nous faisons de notre
mieux, mais nous comprenons que ce n’est pas à nous de tout régler.
| |
| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:10 | |
| A une époque, lorsque j’étais à Wat Pah Pong avec Ajahn Chah, j’avais
pu constater que beaucoup de choses allaient de travers au monastère.
Je suis donc allé voir Ajahn Chah et lui expliquai : « Vénérable, telle
et telle chose ne vont pas comme il faut ; vous devez faire quelque
chose pour résoudre ces problèmes ! ». Il me regarda et me répondit : «
Oh, tu souffres beaucoup, Sumedho, tu souffres beaucoup. Ça changera !…
». Je songeai : « Il s’en moque ! Il a dévoué sa vie à ce monastère et
il le laisse péricliter ! ». Mais il avait raison. Quelque temps après,
la situation commença à s’améliorer et, juste en laissant le temps
faire les choses, les gens furent en mesure de voir les erreurs qu’ils
commettaient. Il est parfois nécessaire de laisser les choses se
dégrader pour que les gens puissent en faire l'expérience. C'est ainsi
qu'on peut apprendre à éviter de suivre le même chemin.
Vous voyez ce que je veux dire ? Quelquefois, les situations que nous
vivons au cours de l’existence sont simplement « comme ça ». Il n’y a
rien que nous puissions faire, si ce n’est de leur permettre d’être
ainsi ; même si elles ne font que s’aggraver, nous acceptons qu’elles
s’aggravent, nous les laissons suivre leur cours. Mais cela n’est pas
là une attitude fataliste ou négative ; c’est une forme de patience,
c’est être disposé à supporter une situation et lui permettre de
changer naturellement plutôt que d’essayer, de façon égocentrique et
volontaire, de remettre tout en place, de tout épurer par aversion et
dégoût pour ce qui est confus et chaotique.
Le résultat d’une telle attitude, est que, si le cours des choses nous
contrarie et nous met à l’épreuve, nous ne sommes pas continuellement
vexés, blessés ou déçus par les événements, ni déprimés ou démolis par
ce que les autres disent ou font. Je connais une personne qui a
tendance à tout dramatiser. Si quelque chose va mal, ce jour-là, elle
dira : « Je suis absolument et complètement détruite », même si elle
n’a fait l’expérience que d’un problème mineur. Cependant, son habitude
est d’exagérer dans une mesure telle qu’une chose apparemment
insignifiante peut lui saper le moral pour toute la journée. Si nous
réagissons de la sorte, nous devrions nous rendre compte qu’il y a là
un grand déséquilibre et que des événements aussi insignifiants ne
devraient pas produire un tel effet.
Je me suis rendu compte que j’étais très susceptible, alors j’ai fait
vœu de me défaire de cette tendance. J’avais remarqué que je pouvais
aisément être offensé par des petits riens, des actes insignifiants,
intentionnels ou pas. Nous pouvons observer comme il est facile de nous
sentir froissés, vexés, troublés ou soucieux – combien quelque chose en
nous essaye sans cesse de se montrer gentil, mais se sent toujours un
peu offensé par ceci et un peu blessé par cela.
A la réflexion, vous pouvez voir que le monde est ainsi ; c’est un
domaine sensible. Sa nature n'est pas de chercher à vous apaiser sans
cesse et à faire en sorte que vous vous sentiez heureux, sécurisé et
positif. La vie présente maintes occasions d'être offensé, choqué,
blessé ou anéanti. C’est la vie. Il en va ainsi. Si quelqu’un parle en
haussant le ton, cela vous affecte. Mais ensuite, l’esprit peut en
faire toute une histoire et s’en offusquer : « Oh, c’était vraiment
blessant qu’elle me dise ça ; vous savez, ce n’était pas un ton très
agréable. Je me suis senti vraiment choqué. Je n’ai jamais rien fait
qui puisse la blesser ». Notre tendance à proliférer mentalement se
manifeste ainsi, n’est-ce pas ? ! – vous avez été bouleversé, blessé ou
offensé ! Mais, par la suite, à bien examiner cela, vous réalisez qu’il
s’agit seulement de sensibilité.
Quand vous contemplez de cette manière, vous n’êtes pas en train de
tenter de ne pas ressentir les émotions. Si quelqu’un vous adresse la
parole de façon agressive, par exemple, ça ne veut pas dire que vous ne
devez rien éprouver du tout. Nous ne nous efforçons pas d’être
insensibles. Nous essayons plutôt de ne pas interpréter la situation de
façon erronée, ce qui est automatiquement le cas si nous prenons les
choses au niveau personnel. Etre équilibré au niveau émotionnel
signifie que, si l’on vous tient des propos blessants, vous êtes
capable de les recevoir. Vous possédez la force et l’équilibre
émotionnels nécessaires pour ne pas vous sentir blessés, vexés ou
déstabilisés par les événements de la vie.
Si l’on est toujours froissé, offensé par l’existence, il devient
nécessaire de s’enfuir, de se cacher ou, encore, de vivre en compagnie
de flatteurs obséquieux qui nous disent : « Vous êtes merveilleux !… -
Vraiment ?… - Oui, vous l’êtes !… - Vous le dites pour me faire
plaisir, n’est-ce pas ?… - Non, non, je le pense vraiment !… - Cette
personne, là-bas, ne pense pas, elle, que je suis quelqu’un de
merveilleux !… - Oh, c’est un idiot !… - C’est bien ce que je pense !…
». C’est comme l’histoire de l’empereur et de ses vêtements neufs,
n’est-ce pas ? Il vous faut trouver un environnement sur mesure où tout
est conçu pour vous rassurer et vous sécuriser, qui soit sans aucune
menace.
| |
| | | Djé Gardien du forum
Nombre de messages : 218 Age : 41 Date d'inscription : 30/08/2008
| Sujet: Re: La quatrième noble vérité Dim 31 Aoû - 19:10 | |
| HARMONIE
Quand l’Effort Juste, l’Attention Juste et la Concentration Juste sont
présents, alors la peur est absente. Il y a absence de crainte car il
n’y a rien d’effrayant. Nous avons le courage de faire face et de ne
pas interpréter les choses de façon erronée. Nous avons la sagesse de
réfléchir intelligemment et de contempler la vie. Mener une existence
morale nous procure un sens de sécurité et de confiance proportionnel à
la force de notre engagement, de notre détermination à faire ce qui est
juste et à éviter tout geste ou propos qui soit immoral. Ainsi, la
pratique forme un tout qui constitue une voie de développement. C’est
un chemin parfait puisque tout contribue à soutenir et à aider au
développement de la voie : le corps, notre nature émotionnelle –
l’aspect sensible de notre nature, les sentiments – et l’intelligence
sont tous trois en parfaite harmonie et se soutiennent les uns les
autres.
Sans cet équilibre parfait, notre nature instinctive peut nous
entraîner dans n'importe quelle direction. Si nous n’avons pas
d’engagement moral, alors les forces instinctives peuvent prendre le
contrôle. Si, par exemple, nous suivons nos pulsions sexuelles, sans
aucune référence à un code moral, alors, nous commettons toutes sortes
d’actions qui auront pour résultat le dégoût de nous-mêmes. L’adultère,
la débauche et les maladies transmises sexuellement sont la norme,
ainsi que tout ce que notre nature instinctive peut engendrer de
perturbation et de confusion quand elle n'est pas maintenue dans les
limites de la moralité.
Nous pouvons utiliser notre intelligence à tricher ou bien mentir,
n’est-ce pas ? Mais, quand nous avons un fondement moral, nous sommes
guidés par la sagesse et par notre aptitude à rester attentifs au
moment présent ; cela conduit à l’équilibre et à la force sur le plan
émotionnel. Cependant, nous n’utilisons pas la sagesse pour supprimer
la sensibilité. Nous ne cherchons pas à dominer nos émotions par la
pensée et par la répression de notre nature émotionnelle. C’est ce que
nous avons tendance à faire en Occident : nous avons utilisé notre
pensée rationnelle comme nos idéaux pour dominer et éliminer nos
émotions et, ainsi, devenir insensibles à ce qui nous entoure, à la vie
comme à nous-mêmes.
Cependant, par la pratique de sati – l’attention soutenue – et de la
méditation vipassana, l’esprit est totalement réceptif et ouvert, ce
qui lui confère cette plénitude lui permettant de tout accueillir.
Parce qu’il est ouvert, l’esprit est aussi en mesure de s’observer, de
contempler ses propres réactions. Si vous concentrez votre attention en
un point, votre esprit perd cette capacité à contempler – il est
absorbé dans l’objet de votre concentration et conditionné par la
qualité de cet objet. La capacité de l’esprit à se contempler est
possible grâce à l’attention soutenue et entière, complète. Vous ne
cherchez ni à filtrer, ni à sélectionner. Vous prenez simplement note
que tout ce qui apparaît disparaît. Vous contemplez que, si vous êtes
attaché à quelque chose qui se forme, cela ne l’empêche pas de
s’achever. Vous observez que, même si elle semble attirante dans sa
phase de commencement, cette chose suit un processus de changement qui
la mène à la cessation. Alors, son pouvoir d’attraction diminue et nous
devons trouver quelque chose d’autre dans lequel nous absorber Une des
conséquences de notre humanité est que nous devons toucher la terre,
pour ainsi dire, accepter les limitations inhérentes à cette forme
humaine et à la vie sur cette planète. Si nous procédons ainsi,
développer la voie qui mène à la fin de la souffrance ne consiste pas à
nous extraire de notre expérience d’homme en nous réfugiant dans des
états de conscience raffinés mais, au contraire, grâce à l’attention
soutenue et réceptive, à embrasser la totalité de cette expérience – y
compris les moments les plus divins. Ainsi, le Bouddha indiquait le
chemin vers une réalisation totale plutôt qu’une échappatoire
temporaire dans la beauté et le raffinement. C’est ce que veut dire le
Bouddha lorsqu’il désigne le chemin du Nibbana.
Ajahn Sumedho, tradition Therevada
source: http://dhammasukha.free.fr/ | |
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